D’après le journal Sans Détour, cet événement, placé sous le sceau de l’innovation, ambitionne de repenser les politiques publiques africaines dans le secteur de l’eau. Plus qu’une simple réunion de techniciens, il s’agit d’un véritable forum continental où se croisent décideurs politiques, chercheurs, entreprises, bailleurs de fonds et représentants de la société civile. Tous sont réunis autour d’un seul objectif : trouver des solutions concrètes pour permettre à plus de 400 millions d’Africains encore privés d’accès à une eau potable, selon l’OMS, de voir leur quotidien transformé.
En Afrique de l’Ouest, par exemple, le Burkina Faso illustre les enjeux du moment. Selon un rapport de Jeune Afrique, Ouagadougou peine à répondre à la demande croissante en eau potable, notamment à cause de la sécheresse et d’une urbanisation incontrôlée. Les efforts fournis pour renforcer la production d’eau, via des forages et stations de traitement, restent insuffisants. C’est pourquoi l’initiative de Yaoundé résonne dans toute la sous-région.
Du côté de l’Afrique de l’Est, l’Éthiopie, traversée par de grands fleuves comme le Nil Bleu, dispose de ressources importantes mais peine à les exploiter de manière équitable. Le programme national éthiopien pour l’eau et l’hygiène (One WASH) représente une tentative ambitieuse pour structurer le secteur. Pourtant, les conflits hydropolitiques avec ses voisins, notamment l’Égypte et le Soudan, autour du barrage de la Renaissance, montrent à quel point l’eau est devenue un levier géopolitique.
À Yaoundé, les représentants de plus de 40 pays africains ont donc pour mission de définir des stratégies intégrées, prenant en compte non seulement les aspects techniques de la distribution d’eau, mais aussi les facteurs sociaux, environnementaux et institutionnels. L’un des points centraux discutés porte sur le renforcement de la gouvernance du secteur. Trop souvent, l’absence de régulation claire ou la faiblesse des institutions locales compromettent la durabilité des infrastructures mises en place.
Un autre thème crucial abordé lors de cette session est l’implication des jeunes et des femmes dans la gestion de l’eau. Selon les données de l’UNICEF, dans de nombreux pays comme le Niger, ce sont encore les femmes et les enfants qui parcourent des kilomètres chaque jour pour aller chercher de l’eau. Cette tâche, chronophage et épuisante, limite considérablement leur accès à l’éducation ou à l’emploi. Des initiatives communautaires comme celles de l’ONG Water4 au Nigeria, qui forme des jeunes femmes à l’entretien de pompes hydrauliques, sont mises en avant à Yaoundé comme exemples à suivre.
Le Cameroun, hôte de l’événement, souhaite profiter de cette vitrine pour renforcer ses propres dispositifs. Selon Camwater, la société nationale en charge de la gestion de l’eau, le taux de desserte en eau potable reste faible dans plusieurs quartiers de Yaoundé et Douala. Le gouvernement camerounais ambitionne de passer de 60 % à 85 % de couverture urbaine d’ici 2030. Cette ambition passe par des investissements massifs en infrastructures, mais aussi par des partenariats public-privé avec des acteurs comme la Banque africaine de développement, présente à la session.
Ce type de coopération a déjà porté ses fruits ailleurs. En Afrique du Sud, la ville du Cap a frôlé la catastrophe avec le fameux “Day Zero” en 2018, où les réservoirs municipaux étaient presque à sec. Grâce à une gestion intégrée de la demande, des restrictions intelligentes, et une forte mobilisation citoyenne, la ville a pu éviter le pire. Aujourd’hui, cette expérience est citée à Yaoundé comme un cas d’école pour mieux gérer la consommation urbaine de l’eau.
Un autre cas inspirant est celui du Maroc, où la stratégie nationale de l’eau, intégrée à la politique climatique du pays, permet de mutualiser les efforts en matière de traitement des eaux usées, de dessalement et de réutilisation des eaux grises. Des villes comme Agadir expérimentent des systèmes de filtration avancés qui pourraient bientôt être adaptés dans les capitales africaines francophones comme Abidjan ou Libreville.
Pour rendre l’eau accessible à tous, il est également question de revoir les tarifs. Dans de nombreuses métropoles africaines, l’eau coûte paradoxalement plus cher dans les quartiers pauvres que dans les zones riches, du fait de la dépendance à des vendeurs privés ou des forages informels. Une réforme tarifaire équitable, indexée sur le revenu des ménages, est l’un des sujets brûlants de cette 96ᵉ session.
Sur le plan technologique, les intervenants plaident pour une accélération de la digitalisation du secteur. L’usage des capteurs IoT (Internet des objets) pour surveiller la qualité de l’eau, ou des applications mobiles pour signaler les pannes et les fuites, sont déjà en test au Kenya et au Rwanda. Ces innovations pourraient faire l’objet de projets pilotes soutenus par l’AAEA.
Enfin, les participants s’accordent sur un point essentiel : la bataille de l’eau ne se gagnera pas sans une prise de conscience collective. Les États doivent investir, les citoyens doivent être formés, les bailleurs doivent s’engager sur le long terme, et les chercheurs doivent accompagner la transformation. C’est donc à un véritable sursaut continental que Yaoundé invite l’Afrique tout entière.
À l’heure où le changement climatique exacerbe les sécheresses, où les maladies hydriques tuent encore chaque jour des centaines d’enfants, et où l’accès à l’eau devient un facteur de stabilité ou de conflit, cette rencontre panafricaine pourrait bien marquer un tournant historique.
Et vous, chers lecteurs, que pensez-vous de la gestion de l’eau dans votre pays ? Trouvez-vous que l’Afrique va dans la bonne direction en matière d’assainissement ? Quels exemples locaux vous inspirent ? Laissez vos avis en commentaires et abonnez-vous à la page pour ne rien rater de nos prochaines analyses.

